Sur 1 Jean 2, 12-17

Amour de Dieu, amour du monde

 

Saint Augustin

Commentaire de la première épître de saint Jean, SC 75, p. 167s

 

Comment pourrons-nous aimer Dieu, si nous aimons le monde ? Dieu prépare donc en nous l’inhabitation de la charité. Il y a deux amours : du monde et de Dieu. Là où habite l’amour du monde, nul accès à l’amour de Dieu. Que l’amour du monde cède la place, et que l’amour de Dieu habite en nous : que le meilleur occupe la place. Tu aimais le monde, renonce à l’amour du monde ; lorsque tu auras vidé ton cœur de tout amour terrestre, tu puiseras l’amour de Dieu : et déjà commence d’habiter en toi la charité, d’où ne peut provenir aucun mal. Ecoutez donc les paroles de celui qui ne veut que purifier. Le cœur humain est pour lui comme un champ : mais en quel état le trouvera-t-il ? S’il y trouve une forêt, il défriche ; s’il y trouve un champ nettoyé, il plante. Il veut y planter un arbre, la charité. Et quelle forêt veut-il défricher ? L’amour du monde. Ecoutez ce que dit le défricheur de la forêt : n’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, la dilection du Père n’est pas en lui.

            Vous avez bien entendu : Si quelqu’un aime le monde, la dilection du Père n’est pas en lui. Que personne ne dise en son cœur que cela est faux. C’est Dieu qui le dit, le Saint Esprit a parlé par la bouche de l’Apôtre, rien n’est plus vrai : Si quelqu’un aime le monde, la dilection du Père n’est pas en lui. Tu veux être l’objet de la dilection du Père, pour être le cohéritier de son Fils ? Garde-toi d’aimer le monde ! Chasse le mauvais amour du monde pour te laisser emplir de l’amour de Dieu. Tu es un vase, mais encore plein : verse ce qui est en toi pour recevoir ce qui n’y est pas. Certes, nos frères sont déjà renés de l’eau et de l’Esprit Saint :nous aussi, depuis quelques années déjà, nous sommes renés de l’eau et de l’Esprit Saint. Il nous est bon de ne pas aimer le monde : autrement les sacrements demeureraient en nous pour notre condamnation, au lieu d’être une force de salut. La force de salut, c’est d’avoir la racine de la charité, la vertu de piété, non pas seulement la forme extérieure de la vie chrétienne. Cette forme est bonne, elle est sainte : mais que vaut-elle si elle ne tient pas à la racine ? Le sarment coupé n’est-il pas jeté au feu ? Aie la forme de la vie chrétienne, mais à la racine. Comment devons-nous être enracinés, pour n’être pas déracinés ? En gardant la charité, comme le dit l’apôtre Paul : Enracinés et fondés dans la charité. Comment la charité sera-t-elle enracinée en toi parmi les frondaisons touffues de l’amour du monde ? Défrichés les forêts ! C’est une précieuse semence que vous allez semer : qui n’y est rien dans ce champ qui étouffe la semence : N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, la charité, la charité du Père n’est pas en lui.