Sur Luc 1, 26-38
Le dessein rédempteur de Dieu

Saint Léon le Grand
Sermons, SC 22, 2ème sermon pour la Nativité du Seigneur, p. 77

Notre Dieu tout-puissant et clément, dont la nature est bonté, dont la volonté est puissance, dont l’activité est miséricorde, aussitôt que la malice du démon nous eût, par le poison de sa jalousie, donné la mort dès le commencement du monde, détermina les remèdes préparés dans son amour pour la rénovation de l’humanité. Il annonça au serpent la descendance future de la femme qui écraserait un jour sa tête altière et malfaisante : le Christ, l’Homme-Dieu, qui devait s’incarner d’une vierge, condamnerait, par sa naissance sans tache, celui qui avait osé violer l’intégrité du genre humain. Le démon se glorifiait d’avoir trompé l’homme par sa ruse, de l’avoir privé des dons divins, de l’avoir dépouillé de l’immortalité pour lui faire subir le dur châtiment de la mort : il trouvait une sorte de soulagement à ses maux que d’avoir ainsi un complice dans sa condition de prévaricateur. Et le démon se réjouissait parce que Dieu, suivant les exigences d’une juste sévérité, avait dû modifier ses dispositions premières à l’égard de l’homme.
Il a donc fallu, frères, par une décision secrète, que le Dieu immuable, dont la volonté va toujours de pair avec la bienveillance, achevât le premier dessein de son amour par un mystère plus caché encore, et que l’homme, poussé au péché par la fourberie du démon, ne pérît quand même pas, ce qui eût rendu vain le dessein de Dieu.
Aussi, au temps prévu pour la rédemption des hommes, Jésus-Christ, Fils de Dieu, descendit de son trône divin, sans quitter la gloire de son Père, et cela par une naissance inouïe ! Disposition sans précédent, car, invisible en lui-même, il se rend visible en notre nature ; insaisissable, il veut être saisi ; lui qui était avant le temps, il commence à exister dans le temps ; Seigneur de l’univers, il prend la condition de serviteur, voilant ainsi l’éclat de sa majesté. Dieu impassible, il ne dédaigne pas de devenir l’homme des douleurs, Dieu immortel, il vient se soumettre aux lois de la mort. Naissance inouïe : conçu par une vierge, né d’une vierge sans l’intervention d’un homme, telle était la naissance qui convenait au futur Sauveur de l’humanité, à celui qui possèderait toute la nature de l’homme en ignorant les souillures de la chair. Le Père de ce Dieu qui naît dans la chair, c’est Dieu, suivant le témoignage de l’archange à la bienheureuse Vierge Marie : L’Esprit Saint viendra sur toi, la puissance du Très-haut te couvrira de son ombre ; aussi l’être saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.