Sur Romains 7, 1-13
Le rôle de la Loi

Pierre Prigent
L’épître aux Romains, p. 105s

Avant la Loi, l’homme est déjà là. Paul ne précise pas ce qu’est cette vie : son raisonnement est purement théologique. Mais voici où commence la réalité existentielle : l’homme rencontre l’Autre. Et c’est l’affrontement, la réalité, l’opposition. Parce qu’il y avait le péché tapi dans l’ombre, attendant l’occasion.
Le péché est indéfinissable. Nous pouvons seulement dire qu’il existe, parce que nous l’avons maintes fois rencontré en nous-mêmes et ailleurs.
Nous pouvons même avancer un pas de plus : nous savons ce qu’est le péché en vertu d’une révélation, et seulement ainsi. Il faut que Dieu parle pour qu’à cet éclairage apparaisse une zone de ténèbres qui refuse la lumière.
C’est pourquoi Dieu interdit à Adam une seule chose : tenter de connaître le bien et le mal. C’est un mystère que Dieu seul peut affronter. Dieu, et aucun homme. Si ! Un homme est venu qui a dit : Je suis la lumière qui brille dans les ténèbres. Je suis la vie qui ne craint pas la mort, l’amour qui bouscule la haine et le don qui submerge toute revendication.
Mais avant cet homme-là, le commandement est révélation du péché et la mort en résulte. La mort qui est le salaire du péché et sa conséquence naturelle. La divinisation du moi ne permet pas de vivre. Refuser l’Autre, c’est s’étioler. Vivre contre Dieu, c’est s’ouvrir aux seules forces de la mort.
Et c’est, de plus, une funeste tromperie, comme il en fut pour Adam : l’homme se laisse séduire par la perspective d’avoir toujours plus et de devenir toujours plus jusqu’à se faire le maître, du monde, des autres et de soi. C’est la tentation suprême, celle du pouvoir qui aspire toujours au pouvoir absolu. Il faut ici relire le récit de la tentation de Jésus !
Mais c’est une tromperie, parce que ce chemin de divinisation est une route sans issue. Ce n’est pas ainsi qu’on devient Dieu ! Cela n’est possible que lorsque Dieu devient homme, selon la belle formule des Pères de l’ancienne Eglise ?
C’est une tromperie parce que Dieu n’est pas le maître tyrannique qui prend plaisir à interdire, mais celui qui arrête l’homme lorsqu’il marche à sa perte. Son dessein dès l’origine, c’est le Christ : il se donne. Il n’y a vers Dieu aucune autre voie d’accès. Il ne faut pas chercher à se faire Dieu, c’est mortellement dangereux. Mais dit le Seigneur, venez, asseyez-vous à ma table, vous êtes mes enfants, dans mon Royaume vous êtes chez vous parce que vous êtes chez moi !
Le péché ne supporte pas l’altérité avec Dieu. La grâce la surmonte.