Sur Néhémie 5, 1-19
Souviens-toi, Seigneur, en ma faveur
Saint Augustin
Discours sur les psaumes I, discours sur le psaume 25, p. 219s

Tout comme Néhémie devait supporter les plaintes de ses coreligionnaires, tout chrétien qui avance en perfection dans l’Eglise doit souffrir les méchants. Toutefois, celui qui leur ressemble ne les connaît point, car le plus souvent ceux qui se plaignent des méchants sont méchants à leur tour. L’Eglise ici-bas est une aire à battre le grain ; il y a dans cette aire de la paille et du bon grain. Gardons-nous de chercher à séparer la paille, avant que Dieu ne vienne le van à la main. Que nul, avant ce temps, ne sorte de l’aire, comme s’il ne pouvait supporter les pécheurs : de peur que l’oiseau ne le trouve hors de l’aire et ne l’amasse avant qu’il soit entré dans les greniers célestes. Ecoutez, mes frères, ce que cela signifie. Quand on commence à battre, les grains ne se touchent pas à travers les pailles, ils sont pour ainsi dire étrangers à cause des pailles qui les séparent. Quiconque ne regarde la grange que de loin, n’aperçoit que des pailles, il a peine à discerner le bon grain, s’il n’approche de plus près, s’il n’avance la main, s’il ne souffle avec sa bouche, afin que ce souffle soit une séparation. Il arrive donc, parfois, que les bons grains sont tellement séparés l’un de l’autre, tellement étrangers que le chrétien qui avance en piété se croit seul. Cette pensée fut une tentation pour Elie, et ce grand prophète s’écriait : Seigneur, ils ont tué vos prophètes, renversé vos autels, et je suis demeuré seul, encore veulent-ils me faire mourir. Mais qu’est-ce que Dieu lui répond ? Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. Dieu ne dit point : il y en a deux ou trois qui te ressemblent, mais bien : Ne te crois pas seul, il y en a sept mille avec toi !
Alors, écoutez-moi avec attention : je prie Dieu qu’il touche vos cœurs dans sa miséricorde, afin que vous la compreniez, de manière qu’elle agisse et fructifie en vous. Ne perdez pas votre âme avec les impies. Dites à Dieu : Tu nous souffres maintenant que nous sommes confondus, mais n’enveloppe pas dans une même ruine ceux que tu laisses confondus.